Le Svalbard compte plus d’ours blancs que d’habitants. Comment cohabiter avec ces redoutables prédateurs et comment visiter l’archipel sans danger ? Pour cela, voici quelques règles de sécurité à savoir et à respecter absolument.
D’après nos guides, chaque fois que des accidents avec des ours se sont produits au Svalbard – et heureusement ils sont rares – c’est que les consignes de sécurité de l’archipel n’avaient pas été respectées. Même si celles-ci peuvent sembler parfois contraignantes, il est indispensable de les suivre pour la sécurité du groupe, de soi, et aussi des ours. Comme nous l’ont rappelé plusieurs fois les guides qui nous encadraient :
Au Svalbard, nous sommes sur le territoire de l’ours polaire, pas l’inverse.
Interdiction de sortir de la ville sans arme
Longyearbyen est la capitale du Svalbard. La ville est située dans une vallée. Depuis le sommet des montagnes qui cernent la ville, on a une très jolie vue sur le fjord et la capitale. C’est donc très tentant de s’y rendre. Toutefois, il est interdit de sortir de la ville non armé. L’arme utilisée doit également être d’un calibre minimum pour se défendre des ours, 7,62 mm exactement. Il s’agit ici d’être muni d’un calibre suffisant pour pouvoir effrayer un ours, et en tout dernier recours, l’abattre. Et bien sûr, il est également préférable de savoir s’en servir.
Le port des armes dans la ville est très réglementé. Et heureusement. C’est vraiment très étrange de se promener en ville et de croiser des touristes, un fusil pendu à l’épaule. Selon les consignes, l’arme portée doit être déchargée et visible comme telle. Il est également interdit de porter ses armes à l’intérieur des bâtiments publics et des centres de shopping. On peut alors voir régulièrement des panneaux « interdiction aux armes » à l’entrée des boutiques. Pancarte assez cocasse concernant la banque. Des emplacements sécurisés sont spécialement prévus à l’entrée de chaque boutique pour déposer les armes.
La possession d’armes illégales dans la ville est passible de deux ans d’emprisonnement, quatre pour les cas les plus graves. On ne rigole pas avec la sécurité sur l’archipel !
L’ours polaire est une espèce protégée au Svalbard. Ainsi, blesser ou tuer un ours est un acte grave, considéré comme un crime. Tirer sur un ours doit être le tout dernier recourt en cas d’attaque. La mort de l’ours fera l’objet d’une enquête par la police locale. Elle cherchera à déterminer les raisons précises de la mort de l’ours et si elles justifiaient réellement sa mise à mort. Si vous tuez un ours en cas d’ultime défense et si les consignes de sécurité n’ont pas été respectées au préalable, vous vous exposez à de graves sanctions (amende et prison).
Visiter le Svalbard c’est observer la nature en paix et laisser le moins de traces possibles de son passage. Le but n’est pas de semer la mort, encore moins d’une espèce en danger et protégée.
Pas d’aventures dans la toundra sans autorisation du gouverneur
L’île du Spitzberg est régie par des règles strictes. Si vous vous aventurez en dehors de la zone 10 de l’archipel, vous devrez être armé, posséder l’assurance adéquate et en informer le gouverneur, appelé « Sysselmann » en norvégien. L’objectif est de préserver l’environnement et de le garder sauvage, d’assurer votre sécurité vis-à-vis des ours et de ne pas déranger ces derniers.
Si vous voyagez via des agences, ce sont elles qui s’occuperont des procédures. Vous n’aurez plus qu’à suivre le guide.
Montage d’un camp spécifique pour les ours
Une fois arrivé sur le terrain, il faut monter le campement. Les tentes sont bien espacées les unes des autres. Ainsi, si un ours s’invite parmi elles et prend peur, il peut s’enfuir facilement sans avoir le sentiment d’être pris au piège, ce qui pourrait le rendre agressif.
Anecdote : au mois de juillet, pendant qu’un groupe fraîchement débarqué écoutait le brief sécurité de la guide bien au chaud dans la tente mess, un ours polaire, gros mâle de plusieurs centaines de kilos est apparu dans le camp. Il marchait d’un pas tranquille, quittant la moraine pour rejoindre l’eau. A ce moment-là, le groupe s’est tût, regardant bouche bée l’imposant animal traverser le campement sous leurs yeux. La meilleure attitude à adopter à ce moment-là était de faire silence et attendre qu’il soit parti. L’ours a laissé des empreintes dans la boue que nous avons pu observer par la suite (voir photo en fin d’article).
Autre règle à suivre : tout ce qui est odorant (nourriture et trousse de toilettes) doit être rangé dans des sacs fermés et déposé à 200 mètres du campement.
Voici une carte d’un camp pensé « ours blancs ».
Tours de garde la nuit
Même si l’ours est de nature curieuse, l’activité humaine et l’agitation générale du groupe suffit généralement à le tenir à distance la journée. Mais quand le silence règne la nuit quand tout le monde dort, il se montre moins farouche et s’invite plus volontiers parmi les tentes. Ainsi, il est interdit de laisser le campement sans surveillance. Dans notre groupe, les binômes de chaque tente avaient le choix : une heure de tour de garde par personne ou deux heures à deux. Concernant mon binôme, nous avons veillé sur le groupe à deux chaque nuit. La beauté du paysage, le froid saisissant amplifié par la fatigue, la responsabilité du groupe et bien sûr… la peur d’apercevoir un ours, nous maintenaient facilement éveillés durant les deux heures.
J’ai personnellement adoré ces tours de garde. Je m’imaginais comme Jon Snow, membre de la garde de nuit, patrouillant au-delà du mur à la recherche des marcheurs blancs. Excepté que ceux-ci étaient sensés être couverts de poils et marcher à quatre pattes. Le glavier de Svéa au loin incarnait parfaitement le mur de Westeros.
Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous, pas besoin de lampe de poche pour patrouiller, le soleil ne se couche pas l’été.
Anecdote : les tours de garde la nuit sont obligatoires. En 2015, un groupe de touristes tchèques a été attaqué par un ours durant leur sommeil. Ces derniers avaient installé avant de se coucher, des « filets anti-ours » supposés lancés des décharges électriques à l’animal s’il le touchait. Ces accessoires ont été démontrés comme peu efficaces, d’où la nécessité d’une veille permanente la nuit. Le montage du campement n’avait également pas été respecté et chacun gardait dans sa tente des objets odorants qui avaient attisé la curiosité de l’ours. C’est comme ça que dans la nuit, un touriste tchèque s’est vu se faire sortir de sa tente par un ours un peu trop curieux. Alarmée par ses cris de détresse, sa belle-mère est allée à son secours et a blessé l’animal de son pistolet. Un pistolet d’un faible calibre. L’animal blessé s’est enfui. Un groupe qui naviguait de nuit par kayak a entendu le coup de pistolet retentissant dans tous le fjord. Apercevant au loin l’ours blessé saignant abondamment, le groupe de kayak a prévenu les autorités. 1/2 heure plus tard, les secours débarquaient sur le terrain. L’ours a dû être abattu. Quant au Tchèque, il a été rapatrié d’urgence à l’hôpital et tout le groupe aurait écopé d’une belle amende pour n’avoir pas respecté les consignes de sécurité.
Une ronde de garde nous avait été définie par le guide. Nous devions surveiller aussi bien les terres que l’eau du fjord. En effet les ours sont d’excellents nageurs et peuvent aussi arriver par voie maritime. Pas facile de repérer une tête blanche parmi tous les icebergs. Finalement, la seule chose que j’aurais repérée durant mes heures de veille, c’est un renne paissant tranquillement les herbes de la toundra.
Anecdote : Dans un des groupes précédent le nôtre, c’est un groupe qui naviguait non loin du campement endormi qui a aperçu un ours à proximité des tentes. La jeune fille en charge du tour de garde s’était assise tranquillement à côté de la tente mess et lisait. Le groupe de kayaks a lancé l’alerte, faisant fuir le prédateur.
Les accessoires d’alerte et de défense
Durant la garde, nous étions équipés d’un pistolet d’alarme. Pas de balles à l’intérieur, mais des petites fusées supposées effrayer l’ours.
Durant tout notre séjour, nous avions pour ordre de rester constamment groupés et de ne jamais nous éloigner. Si nous avions à le faire, pour aller chercher de l’eau par exemple, nous devions prévenir le guide et prendre avec nous le pistolet d’alarme.
Un stylo fusée était également disponible aux toilettes, celles-ci étant éloignées du campement. Cela aurait été quand même un bien mauvais moment pour rencontrer un ours.
Si nous aidions à la sécurité du groupe, le véritable responsable était notre guide, Paul. Il était armé d’un fusil gros calibre et était le seul habilité à le porter ou à l’utiliser. Paul, ne s’en séparait jamais et l’emmenait partout avec lui. Le fusil dormait même à ses côtés dans la tente. Sans réseau et sans internet, nous possédions également une radio V.H.F. et une balise de détresse Sarsat.
Attitude à adopter en cas de rencontre avec un ours
Comment réagir en cas de rencontre avec un ours ? Voici les règles d’or à suivre :
- Garder son calme ;
- Ne pas crier ;
- Ne pas s’enfuir en courant (parfaite attitude de proie, il vous prendra alors en chasse) ;
- Ne pas le quitter des yeux ;
- Marcher calmement jusqu’au campement afin de prévenir le guide ;
Si l’ours s’approche rapidement de vous :
- Tirer une fusée d’alarme à ses pieds pour le dissuader d’approcher ;
- Tirer une fusée d’alarme en l’air pour prévenir le campement.
L’ours est un prédateur, ne vous comportez donc pas comme une proie !
Les règles de sécurité de l’archipel existent pour la sécurité des personnes, des ours et également pour préserver l’environnement et les sites culturels. Sur le site du gouverneur de l’archipel, vous pourrez retrouver toutes les lois et réglementations régissant le Svalbard.
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