Oslo tire son étymologie de Às-Lundr, petit bois sacré des Ases. En tant que terre des dieux nordiques, Oslo a hérité d’un certain patrimoine viking et en particulier, de sublimes bateaux tombes, découverts non loin de la capitale.
D’après les sagas nordiques et les fouilles archéologiques, Oslo aurait été fondé par le viking Olaf Tryggvason aux alentours de l’an 1000, puis dirigé par le dernier roi Viking, Harald dit L’impitoyable. Malgré cet héritage, la ville ne comporte que très peu de vestiges de cette civilisation, si ce n’est dans les musées de la ville, notamment le musée d’histoire et surtout, le musée des bateaux vikings.
J’ai pu visiter ce dernier et ai été captivé par ces bateaux colossaux.
Drakkar ou knörr ?
Quand les vikings naviguaient en direction de territoires ennemis ou à conquérir, ils fixaient une tête amovible de monstre ou d’animal féroce à la proue du bateau. Il s’agissait tantôt d’ours, d’aigles, de serpents ou encore de dragons. Une figure effrayante qu’ils enlevaient une fois de retour chez eux ou quand ils se rendaient en territoires amis. Cette figure était importante pour les Vikings puisqu’elle leur servait à désigner leur bateau. Ainsi, on peut parfois lire : « il s’en fut sur son dragon ».
En vieux norrois (équivalent du latin pour nous), dreki signifie dragon, drekar au pluriel. La langue suédoise y aurait ainsi puisé sa version modernisée de dragon « drake », « drakar » au pluriel. Au XIXe siècle, un journaliste français se serait inspiré de ces termes modernes suédois pour désigner les bateaux vikings. La mauvaise compréhension et l’usage erroné du terme en français aurait fait gagné au mot un k et utiliser la version plurielle pour désigner plusieurs bateaux comme un seul. Ainsi, d’un point de vue étymologique, parler de drakkar pour désigner un bateau viking serait faire une erreur à la fois d’orthographe et de nombre. A titre d’exemple « il s’en alla sur son drakkar », serait comme dire « il s’en alla sur son chevvaux ».
Ainsi, pour désigner le bateau viking, il serait plus correct de parler de knörr ou de snekkja. Toutefois, drakkar est entré dans la langue française et employé comme tel. Pour une meilleure compréhension, nous les appelleront donc drakkars.
Les bateaux vikings, des chefs d’oeuvre techniques
Le bateau était le moyen de transport privilégié des Scandinaves, certainement dû à l’omniprésence de l’eau dans leur contré à l’époque. Le bateau était également un formidable moyen de transport pour le commerce (Kaupskip, bateau marchand) transportant les marchandises et reliant les ports de divers pays entre eux. Il était également un outil pratique et redoutable pour faire la guerre (herskip, bateau de guerre). Ainsi :
Il n’y a pas de Viking sans bateau, c’est le bateau qui a fait le Viking.
Le drakkar est un véritable chef d’oeuvre technique et le fruit d’une lente évolution qui s’opéra dès l’âge du bronze (1800 à 450 av. JC). Il existe de multiples types de bateaux : knörr (bateau à tout faire), skeið (grand navire viking, plus rapide), skuta, karfi, snekkja…
Chaque bateau possédait un nom. Dans la mythologie, les dieux nordiques eux-mêmes possédaient un bateau. Baldr avait ainsi un drakkar nommé Hringhorni.
Les drakkars étaient connus pour leur légèreté et leur souplesse qui leur permettaient d’atteindre une vitesse de pointe extraordinaire pour l’époque. Ils étaient également capables de naviguer aussi bien en haute mer que dans les fleuves et rivières de faible profondeur, épousant parfaitement la lame marine. Une prouesse dont ils étaient les seuls à détenir le secret et qui leur a permis d’attaquer Paris en remontant la Seine, à la surprise générale des Francs.
D’après les écrits, les navires vikings étaient connus dans toute l’Europe notamment grâce à leurs incroyables atouts de navigation et leur esthétique guerrière et colorée. Toutefois, les drakkars avaient aussi leurs défauts. Il leur fallait notamment un vent favorable pour s’extraire d’un port. Dépourvu de ponton, hommes, marchandises et animaux étaient entassés dans la cale. La grande promiscuité rendait les conditions de vie extrêmement difficiles et désagréables et les conditions d’hygiènes très pauvres.
Enfin, la construction d’un bateau viking coûtait très cher comme on peut s’y attendre. De ce fait, il semble assez peu probable que des centaines de bateaux aient été déployés pour partir en guerre comme le racontent les écrits des moines de l’époque.
Les drakkars d’Oslo, les mieux conservés au monde
Les trois bateaux vikings exposés au musée ont été découverts dans trois tertres funéraires dans le fjord d’Oslo. Enfouis pendant plus d’un millénaire, leur état de conservation est remarquable. Cet état a été rendu possible grâce à l’argile et la pelouse qui les recouvraient, les protégeant des intempéries.
Les drakkars ont été enterrés pour accompagner leurs propriétaires dans l’au-delà. Mais avant ça, ils ont tous été mis à l’eau et servi durant plusieurs années avant d’être enterrés et utilisés comme bateaux tombes. Les morts étaient alors placés dans une chambre mortuaire construite à l’intérieur du navire. A leurs côtés étaient rassemblés de la nourriture, des breuvages, divers espèces d’animaux ainsi que des objets pratiques et de décoration. Les trois tombes ont été pillées ce qui explique l’absence de bijoux et d’armes.
Les navires ont été déterrés entre 1854 et 1904 et sont maintenant exposés au musée des bateaux vikings d’Oslo.
Le bateau viking d’Oseberg
Découvert dans une ferme d’Oseberg, dans le Vestfold, le drakkar aurait été vraisemblablement construit entre 815 et 820 ap. JC et mis au jour en 1904. Il a été utilisé comme bateau tombe pour une femme de haut rang, inhumée en 834 après JC. Ce bateau est un karfi, bateau d’apparat. Son élégance l’a rendu célèbre dans le monde entier.
Le navire mesure 22 mètres de long et est constitué essentiellement de chêne. Les nombreux interstices prévus pour les rames indiquent que le bateau était conçu pour accueillir 30 rameurs. Système d’ailleurs ingénieux puisqu’il permettait ainsi de rentrer les rames de manière rapide et pratique sans avoir à se pencher. Le bateau ne comporte pas de siège et les conditions de vie à bord semblaient très rudimentaires.
Le bateau d’Oseberg semble moins solide que le bateau de Gokstad. Il était sans doute utilisé pour des voyages courts sur eau calme.
Anecdote : sa réplique viking a été capable de parcourir 360 km dans l’Atlantique en une journée avec un équipage de 32 personnes.
Le bateau viking de Gokstad
Le drakkar a également été découvert dans le Vestfold, à Gokstad et déterré en 1880. Bâti aux alentours de 890 ap. JC. il aurait servi de tombe pour un chef de clan. Le corps gisait dans une chambre mortuaire construite en bois à l’intérieur du navire. Le bateau de Gokstad est sans doute un leidangrskip, un bateau de réquisition. Il pouvait vraisemblablement naviguer jusqu’à 12,5 nœuds selon les estimations. Ce qui permettait aux Vikings de naviguer vers l’Angleterre en seulement une nuit et un jour depuis le Danemark.
Le drakkar mesure 24 mètres de long avec la place pour un équipage de 32 rameurs. Il est le bateau le plus large et le plus robuste des bateaux vikings exposés. La quille est notamment plus solide que le bateau d’Oseberg. Les cavités pour les rames pouvaient être recouvertes par des rabats en bois. Durant les fouilles, les archéologues ont trouvé les restes de 64 boucliers, attachés à l’extérieur du garde-fou. Cette manière de transporter les boucliers généralement colorés, devait donner une fière allure au bateau. A l’inverse du bateau d’Oseberg, le bateau de Gokstad est robuste, réalisé dans un but pratique et à des fins efficaces. Il était tout à fait capable de naviguer en haute mer.
Le bateau de Tune
Bien moins réputé que les deux autres navires du musée, le bateau de Tune est de loin le moins bien conservé. Le bateau de Tune a été trouvé dans une ferme d’Haugen dans l’Østfold et déterré en 1867. Il aurait été construit environ en 900 ap. JC et contiendrait également la dépouille d’un homme de haut rang. Les présents n’auraient malheureusement pas survécu au temps et aux mauvaises conditions de conservation. Le bateau lui-même a subit les affres du temps, lui infligeant de nombreux dommages. Néanmoins, les vestiges du navire nous donne tout de même un aperçu ce à quoi il a dû ressembler à l’époque.
Les multiples objets vikings déterrés
Les archéologues ont trouvé dans les bateaux une multitude d’objets accompagnant les morts. Vêtements, outils agricoles, luges, traîneau, tous sont exposés dans le musée. Voici quelques uns d’entre eux que j’ai pu photographier.
La civilisation viking n’aura duré que 200 ans, une courte période qui aura pourtant marqué toute l’histoire la Norvège, mais également du monde. 1000 ans plus tard, nous continuons à admirer leur magnifiques bateaux, à étudier leur manière de vivre et à tenter de percer l’histoire qui se cache réellement derrière le mythe viking.
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